Créer des vêtements à partir de fibres capillaires ne date pas d’hier, mais cela pourrait bien s’inscrire comme une nouvelle tendance. La créatrice martiniquaise Murielle Kabile compte bien contribuer à l’avancement de cette matière première en détournant son utilité dans la mode et surtout en lui donnant un nouveau souffle.
De grands couturiers se sont déjà frottés à l’exercice, à l’instar d’Alexander McQueen qui intégrait ses mèches de cheveux aux vêtements en 1992, de la fameuse veste en perruques blondes de Martin Margiela pour son défilé printemps-été 2009, ou plus récemment à l’occasion du dernier album de Beyonce et de sa collaboration avec Balmain, qui présentait un total look entièrement tressé.
Murielle Kabile, qui s’est formée à la couture et à la coiffure, a choisi de mêler ces deux disciplines dans son travail. Depuis 2015, elle conçoit des pièces qu’elle qualifie de « design hair couture » à partir de fibres capillaires naturelles ou synthétiques.
Qu’il s’agisse de coiffes, de bijoux ou de vêtements, l’artiste pense son label comme un outil politique. Elle exploite la matière pour valoriser le cheveu texturé et lutter contre le diktat du cheveu lisse: « J’ai longtemps rejeté la nature de mes cheveux. En intégrant l’école de coiffure, j’ai pu me réconcilier en découvrant les différentes facettes et techniques de coiffure. Lorsque j’ai commencé à combiner la mode et la coiffure, cela m’a paru une évidence. J’ai décidé qu’il n’y aurait pas de barrière entre les deux », soutient la créatrice.
À la fois couturière, artiste et styliste visagiste, elle repousse les limites de la mode en fusionnant ces trois métiers: « La diversité de mes capacités me permet d’opter autant pour l’art, la mode ou la coiffure. Mon objectif est de montrer qu’il est possible de faire de la mode à partir du cheveu sans aucune restriction », explique-t-elle.
Une mode brossée dans le sens du poil
Murielle Kabile choisit de travailler seule pour conserver sa liberté d’artiste et « développer ses possibilités artistiques ». Toutes ses pièces sont uniques, marquées par un style qu’elle décrit comme « afro futuriste ». Son travail est minutieux et le processus de création nécessite parfois plusieurs mois, entre le tressage, l’assemblage et le moulage. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle elle choisit de diversifier ses missions. Elle propose des pièces ‘couture’ (certaines sont disponibles à la location) et intervient pour des spectacles ou des concerts à l’instar du groupe Shaka Ponk ou des chanteuses Fatoumata Diawara ou China Moses pour lesquelles elle a imaginé des structures capillaires.
Certaines créations sont également destinées au monde artistique. L’artiste expose actuellement une de ses œuvres, intitulée « L’ange Noir », au musée des Arts Décoratifs de Paris dans le cadre de l’exposition Des cheveux et des poils à découvrir jusqu’au 17 septembre 2023.
Côté bijoux, Murielle Kabile manie l’acier inoxydable pour lui donner un aspect de cheveux, notamment sur des plastrons en travaillant avec l’effet de la matière argentée. Elle incorpore parfois des perles ou des cauris.
Concernant la production, tout se passe dans son atelier situé dans le XIXe arrondissement de Paris. La créatrice, qui aime jongler entre les matières, affirme qu’il y a de nombreux distributeurs de cheveux très abordables. « C’est un peu comme le tissu, il y a une grande diversité dans le choix des matières ou des couleurs », confie-t-elle. Quand elle n’utilise pas de fibres capillaires naturelles, cette dernière s’amuse avec les matières en combinant le cheveu au cuir ou en imitant cette texture avec de la laine ou du tulle.